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ALLIER
Montluçon

Au pied du château des Ducs de Bourbon, les rues en pente sont bordées de maisons ocre rose. Implanté dans une région où la pratique des instruments de musique populaire demeure très vivante, le musée des Musiques populaires est établi dans le château. A travers une collection unique en son genre d’instruments de musique, ce musée retrace l’histoire des musiques populaires en France depuis 200 ans. Il fait actuellement l'objet d'une importante restructuration pour devenir "La Cité des Musiques vivantes", qui sera le plus important équipement culturel traitant de cette thématique en Europe. C’est donc un endroit à visiter si vous vous intéressez à l’univers sonore de vos ancêtres.

Aujourd'hui, centre économique de l'Allier, Montluçon n'oublie pas pour autant son passé médiéval. En flânant, on découvre la ville d’Antoine Girouard telle qu’il l’a connue avant son départ pour le Canada au début du xviiième siècle. Originaire de la paroisse Notre-Dame, il a été baptisé en 1696 dans l’église édifiée au xvème siècle. Antoine Girouard était le fils d’un conseiller du roi. Il se rendit à Montréal pour devenir le secrétaire du gouverneur Claude de Ramezay, puis huissier et procureur. Marié en 1723 à Montréal, il a laissé une nombreuse descendance.

Au sud de Montluçon, avant Montaigut, on gagne le petit bourg de Lapeyrouse (Puy-de-Dôme) où naquit Philippe Plamondon (1680), ancêtre d’Antoine Plamondon, le grand portraitiste canadien du xviiième siècle.

Dans les environs de Montluçon, on peut voir des stèles érigées en l’honneur de quelques soldats canadiens qui ont été tués là au cours de la seconde guerre mondiale.

vue de la ville et du château des Ducs de Bourbon

vue de la ville et du château des Ducs de Bourbon

Ainsi, si vous vous promenez en forêt de Tronçais, passez par le rond de « La Bouteille », là se trouve une stèle commémorant un équipage canadien abattu le 15 septembre 1943 lors du bombardement des usines Dunlop de Montluçon.

A Saint-Sauvier, une stèle indique le lieu du crash du sous-lieutenant canadien de 23 ans, Louis-Max Lavallée, abattu le 23 décembre 1943 au cours d’une mission de parachutage en direction de résistants. Une plaque commémorative a été apposée en son honneur près de l’église de Saint-Sauvier. La grand-mère de Louis-Max Lavallée étaitde la région de Montluçon.

D’autre part, un projet canadien intitulé « l’héritage de la feuille d‘érable » concernant la réalisation d’un carré canadien dans le cimetière de Saint-Doulchard (à une centaine de kilomètres de Montluçon) suite au crash d’un bombardier près de cette localité le 11 juillet 1944 est en cours d’étude.

Si vous vous intéressez aux célébrité, apprenez que quelques artistes canadiens ont choisi de s’installer dans la région de Montluçon : il s’agit de Luc Plamondon, sans soute en souvenir de son ancêtre, de Fabienne Thibault et de Nancy Huston.

CANTAL
Aurillac

La capitale du parapluie cache de nombreux trésors dans son vieux quartier tortueux. On découvre, au hasard des rues, les portes sculptées de l’hôtel Delzons, de l’hôtel de Noailles, du collège des Jésuites ou de maisons privées. Et, si l’on pousse un peu la curiosité, on s’aperçoit qu’elles annonçaient le plus souvent une cour, un escalier à volées de bois et de pierre et peut-être, qui sait, le déploiement d’un décor flamboyant ou Renaissance.

Quatre habitants d’Aurillac ont eu le goût de l’aventure. Artisans et soldats, ils ont participé à la guerre franco-anglaise au Canada (1756-1763) sous le commandement de Montcalm. François Gamoy, est né à la paroisse Notre-Dame-aux-Neiges en 1722. L’ancienne chapelle des Cordeliers, où il a été baptisé, date du xivème siècle ; restaurée au xviième siècle, elle possède une Vierge noire très vénérée. Antoine Fonrouge, cordonnier de son métier, s’est marié à Longueil en 1764. Jean Olivier, un de ses amis maître farinier, s’est lui aussi fixé à Longueuil, en 1761 et y a épousé Cécile Benoît. Il était parti comme soldat au régiment de Royal-Roussillon. Antoine Vuidal, dit Labonté, était également soldat, mais au régiment de Guyenne. Nous le retrouvons cordonnier à Québec en 1761.

CANTAL
Bassignac

Le château de Bassignac surplombe la route, évoquant l’époque où chaque promontoire appelait un château fort.

Jean d’Anglars sieur de Bassignac est né dans ce château en 1726. Suivant la tradition familiale, il s’est engagé très tôt dans l’armée et c’est comme capitaine dans le régiment de Royal-Roussillon qu’il se rend au Canada durant la guerre de Sept Ans pour y combattre sous les ordres de Montcalm.

Après la cession du Canada aux Anglais, Jean d’Anglars revient en France. C’est l’un des seuls combattants auvergnats de cette guerre qui ait jamais revu son Cantal natal.

Le château de Bassignac est aujourd’hui une maison d’hôte.

CANTAL
Manoir de La Rodde, château de Sénezergues

Au cœur de la Châtaigneraie, jolie région boisée et vallonnée, au sud-ouest d’Aurillac, nous allons chercher l ‘évocation mélancolique d’un personnage romantique avant l’heure : Étienne-Guillaume de Sénezergues de la Rodde.

Né en 1709, il possède une fortune considérable dans la région et le manoir de La Rodde, avec ses jardins et ses fontaines, est sa résidence d’été. Il se marie sur le tard avec une très jeune femme, Charlotte de Saint-Chamant, pour qui il éprouve une grande passion. Aussi, quand la jeune femme meurt après quelques années de mariage, il reste inconsolable et ne songe plus qu ‘à la rejoindre. Mais c’est un homme de guerre. Il ne veut pas mourir inutilement. Aussi décide-t-il de donner sa vie à une cause noble et enthousiasmante : la défense du Canada français. Il part en avril 1756.

Au Canada, son courage le fait bientôt remarquer. Il est nommé lieutenant-colonel des armées du roi. Aux succès des débuts des hostilités succèdent les défaites. Etienne-Guillaume de Sénezergues de la Rodde, que l’on n’appelle plus bientôt que le « brave Sénezergues », est commandant en second du marquis de Montcalm. Il va enfin trouver la mort qu’il désirait tant, en défendant chèrement Québec aux plaines d’Abraham, aux côtés de Montcalm, en 1759.

Aujourd’hui, le manoir de La Rodde à Lacapelle n’est plus qu’une simple maison de campagne, mais sa longue allée, ses bassins et ses fontaines gardent encore le souvenir de la vie heureuse des Sénezergues, lorsqu’ils venaient ici durant la saison d’été.

À quelques kilomètres de là, le château de Sénezergues, dans son cadre magnifique, surveille une montagne douce et vallonnée. Ce château fort du xiiième siècle qui, pendant tout le Moyen Âge a été l’enjeu de luttes meurtrières, n’est plus aujourd’hui pris d’assaut que par les roses trémières et les arbres du jardin potager. Il ne peut malheureusement être visité.

La famille du « brave Sénezergues » se rattache par une branche cadette ou peut-être bâtarde, aux possesseurs de ce château dont le nom s’est éteint au Moyen Age. Mais mieux que toute autre demeure, son air de tendre guerrier au milieu des fleurs et des vallons du Cantal évoque ce soldat sentimental qui partit se faire tuer par amour au Canada.

CANTAL
Saint-Flour

Saint-Flour apparaît d’abord perché au sommet de sa colline verdoyante : cité médiévale où percent les toits pointus et les clochers des églises. Construites dans la pierre grise de la région, les hautes maisons du Moyen Âge ont un air sévère que viennent heureusement démentir les toitures de tuiles ou les décorations Renaissance.

Saint-Flour, comme toute grande ville d’Auvergne, a elle aussi payé son tribut de colons au Canada : Pierre Boisseau, horloger de son métier, qui se marie à Québec en 1759, et Jérôme Goupille qui s’établit à Terrebonne en 1766. Tous deux, d’après les dates de leurs mariages, sont probablement arrivés comme soldats durant la guerre de Sept Ans.

Pierre Genest est venu, lui, un peu plus tôt, puisqu’il a épousé Marie-Anne Poitras, en 1729, à Québec.

À la fin du xviième siècle, un jeune habitant de Saint-Flour avait également émis l’idée de partir au Canada. Devant l’opposition de sa famille, Isaac Bigot dut s’enfuir en secret de sa maison située au coin de la place d’Armes. Avait-il puisé ce désir d’évasion chez les Jésuites, par lesquels, comme tout jeune homme de condition, il avait été élevé ? C’est fort possible, car dans la dernière moitié du xviième siècle, le collège de Saint-Flour – rue du Collège – eut comme enseignants de nombreux pères qui se destinaient aux missions canadiennes !

CANTAL
Château de Vixouze, Manoir des Huttes

Deux bâtiments perdus dans la montagne, au-dessus de Polminhac, évoquent une famille romanesque et courageuse qui fit parler d’elle en France et au Canada.

Nous montons vers le château de Vixouze, vieille forteresse qui accueille depuis quelques annéesdes expositions de peintures, et le petit manoir des Huttes dont les bâtiments du xviième siècle abritent aujourd’hui une grosse ferme.

Ces deux propriétés appartenaient à la famille Pagès de Fontbonne qui se signale à deux reprises dans des conditions héroïques.

D’abord, Louis Pagès de Fontbonne, major au régiment de Guyenne, se fait tuer aux côtés du marquis de Montcalm en défendant Québec en 1759.

Puis, l’un de ses neveux trouve à son tour la mort d’une façon à la fois galante et tragique durant la Révolution, puisqu’il tombe mortellement blessé en essayant de protéger la reine Marie-Antoinette contre la fureur des révolutionnaires.

CORRÈZE
Moustier-Ventadour

Le vieux château de Ventadour se dresse sur un piton rocheux au-dessus des gorges de la Luzège. « Toute la paille du royaume ne suffirait pas à combler ses fossés », disait avec orgueil un des ducs de Ventadour à Louis XIV.

Aujourd’hui restauré, le château évoque à nouveau la puissance des gouverneurs du Limousin au Moyen-Age. Mais ce nid d’aigle n’abritait pas seulement des guerriers et des hommes politiques.

Les ducs de Ventadour étaient aussi des poètes, et sous leur mécénat, une véritable cour littéraire et raffinée s’était formée, permettant à de jeunes talents de se révéler. Ainsi, le célèbre Bernard de Ventadour, fils d’un domestique du château, allait devenir l’un des plus illustres troubadours de son époque (xiième- xiiième). Comment ne pas évoquer cette extraordinaire destinée, lorsque l’on contemple les murs épais du château ? Au souvenir du tendre poète de l’amour courtois, les vieilles pierres gagnent un charme nostalgique …

Au xviième, le château est un peu délaissé pour le bel hôtel d’Ussel. Deux membres de la famille vont alors apporter leur marque à l’histoire canadienne. Henri de Lévis, duc de Ventadour, vice-roi du Canada de 1625 à 1627, et son frère François-Christophe, duc Damville, à qui le même titre est octroyé en 1658 en témoignage d’estime. En réalité, le duc Damvillecontrairement au duc de Ventadour se préoccupe peu de ce ministère éloigné.

Néanmoins, c’est en l’honneur des deux frères que la ville de Lévis fut fondée au Canada. Un siècle plus tard, lorsque le vaillant second de Montcalm, le chevalier de Lévis (issu d’une branche aînée de la même famille), débarqua au Canada, son nom était déjà connu de toute la population qui le reçut comme un vieux Canadien.

CORRÈZE
Tulle

Parcourons les vieux quartiers de Tulle au bord de la Corrèze, de la rue de la Tour de Maïsse à la rue de La Baylie que bordent des maisons à encorbellement.

Une rue de la vieille ville

Une rue de la vieille ville

Antoine Dubois, dit La Violette, y exerçait le métier de maçon lorsqu’il décida de s’établir au Canada en 1698. D’autres colons, comme Antoine Baudras et Jean Payment, sont nés à Sainte-Fortunade, à six kilomètres de Tulle. Quant à Julien Pérussie dit Baguette, il est originaire de la proche banlieue.

Ce n’est pas à proprement parler un ancêtre que nous venons retrouver ici, mais une organisation manufacturière et commerciale, qui entretint durant plus d’un siècle des relations très suivies et très originales avec le Canada.

Comme les fusils de Tulle avaient acquis, depuis un certain temps, une grande renommée pour leur qualité et leur finition, le roi confie, en 1690, un énorme monopole à la petite manufacture d’armes de Tulle : celui de fournisseur de la Marine et de la Colonie canadienne. Au Canada, les fusils utilisés pour la chasse et pour la guerre ont rapidement attiré la convoitise des Amérindiens. Aussi les a-t-on tout naturellement utilisés comme monnaie d’échange et comme cadeaux. Fréquemment troqués contre des fourrures, ils sont vite devenus indispensables aux indigènes qui eurent tôt fait de les différencier et de les évaluer.

La manufacture de Tulle doit donc, dès lors, compter avec ces nouveaux clients insolites et exigeants, car une bonne partie de la production est écoulée chez eux et une baisse de la qualité entraînerait des incidents graves. Outre les fusils délivrés par troc en échange des fourrures, la métropole planifie sur une grande échelle la distribution de fusils aux Amérindiens. Il s’agit, la plupart du temps, de cadeaux diplomatiques destinés à raffermir l’amitié franco-amérindienne et à armer les alliés des Français. Ainsi, en 1693, le roi fait envoyer quelques cent cinquante fusils aux tribus amies (Hurons, Sauteux, Nipissings, Miamis, Illinois, Puants). De leur côté, les Iroquois sont de la même façon ravitaillés par les Anglais.

Les commandes de l ‘époque montrent que le marché amérindien a fait l’objet d’études très précises et que des armes tout spécialement conçues sont envoyées au Canada. Compte tenu du goût très prononcé des Amérindiens pour les ornementations dorées, elles sont agrémentées d’attrayantes garnitures en cuivre et ont le canon poli. D’autre part, des fusils décorés de riches incrustations de cuivre et d’ivoire, pourvus de canons exceptionnellement longs, sont fabriqués spécialement à l’usage des chefs amérindiens. La richesse de l’arme est proportionnelle au rang. Il ne saurait donc être question d’offrir ou de proposer au chef le fusil de tout le monde, mais un objet ouvragé unique et précieux. C’est pourquoi on voit à la manufacture de Tulle quelques-uns des plus habiles artisans français se consacrer à la réalisation de véritables œuvres d’art à l’usage exclusif des Amérindiens du Canada.

Le Musée des Armes de Tulle, situé dans le quartier de l’ancienne manufacture(1, rue du 9 juin) abrite une magnifique collection de précieux fusils, semblables à ceux qui furent fabriqués au xviiième siècle pour le Canada.

CORRÈZE
Ussel

 Avec ses maisons austères de granit gris (xvème , xvième et xviième siècles), Ussel, malgré son doux nom, a connu un passé mouvementé de la guerre de Cent Ans aux guerres de Religion. À la fin du xvième siècle, les ducs de Ventadour, cousins des rois Henri IV et Louis XIII, puissants gouverneurs du Limousin, s’y installent et y établissent leur Tribunal. Pendant de nombreuses années, Ussel va vivre à l’heure de cette famille dynamique. Il y a, en effet, fort à faire pour rétablir l’autorité royale dans une province où les luttes religieuses entre catholiques et protestants ont été très vives. En 1625, Henri de Lévis, duc de Ventadour, fervent catholique, paraît tout désigné pour acquérir la charge vacante de vice-roi de la Nouvelle-France, comme le lui conseille son confesseur jésuite, le père Philibert Noyrot.

Le nouveau vice-roi est très attaché aux Jésuites chez qui il a fait ses études. Sa première action va donc être l’envoi de missionnaires jésuites au Canada. Dès la fin 1625, il finance le départ et la première installation des pères Charles Lalemant, Énemond Massé et Jean de Brébeuf, qui seront bientôt suivis par le père Noyrot lui-même. Mais ce dernier revient peu après, chargé par ses confrères d’une mission importante auprès du vice-roi et de la cour. Il s’agit de demander, dans l’intérêt de la Nouvelle-France, la suppression de la société commerciale – en grande partie calviniste – la Compagnie des Marchands qui régit entièrement le Canada. En contrepartie sera fondé une société catholique désintéressée, qui aura pour but la colonisation et la propagation de la foi.

Cette thèse, soutenue activement par le vice-roi et par les Jésuites, est bientôt adoptée par le roi Louis XIII et la Cour. Richelieu supprime alors la trop vénale Compagnie des Marchands en 1627. Il interdit le Canada aux protestants et fonde la Compagnie des Cent-Associés qui s’engage, sous le contrôle de l’État, à peupler rapidement la Nouvelle-France. Le ministre demande finalement au duc de Ventadour de lui céder son titre de vice-roi de la Nouvelle-France pour qu’il puisse exercer son contrôle sur la colonie.

Le duc de Ventadour n’a donc été vice-roi de la Nouvelle-France que deux ans, mais d’un point de vue politique son rôle a été capital. Il a, en effet, favorisé et appuyé la mise en place d’un type de colonisation qui a marqué l‘évolution du Canada français.

À Ussel, la maison ducale– place du Marché – évoque encore assez bien le faste et la puissance des Ventadour. Construits au xvième siècle avec les blocs de granit gris de l’ancien château des Ventadour dont une seule tour subsiste aujourd’hui (la Tour Soubise, rue du Sénéchal), ces bâtiments portent les traits gracieux de la Renaissance.

DORDOGNE
Bergerac

La paroisse Saint-Jacques, sur la rive droite de la Dordogne, au cœur de l’ancien Bergerac, est la patrie de cinq colons canadiens qui ont quitté la France à la fin du xviiième siècle. Sur les cinq, deux au moins se sont taillé une certaine renommée.

Pierre (dit Baptiste) Maisonnat, a été baptisé sous la voûte gothique de l’église Saint-Jacques. En 1707, nous le retrouvons à Port-Royal, en Acadie, où il se marie, pour la deuxième fois. Mais il a déjà commencé depuis longtemps une aventureuse carrière, celle de corsaire dans les eaux des actuelles provinces maritimes. À une époque où l’Acadie n’avait plus les moyens de repousser l’avance anglaise, il tint longtemps la dragée haute aux Anglais, avant d’être fait prisonnier et d’être enfermé à Boston. Le personnage haut en couleur, au courage insolent, est resté célèbre sur les côtes acadiennes.

Une maison du 16e siècle

Une maison du 16e siècle

Alexandre Isaac Berthier né en 1638 et baptisé à Saint-Jacques de Bergerac, s’est également illustré au Canada, mais d’une manière plus conformiste. Arrivé à Québec en 1665 comme capitaine au régiment de l’Allier avec les troupes amenées des Antilles par Alexandre de Prouville de Tracy, il se fait bientôt remarquer pour sa bravoure dans les combats contre les Iroquois. Très estimé des vieilles familles canadiennes, il peut alors, après avoir abjuré le calvinisme, épouser, en 1672, une demoiselle Legardeur de Tilly. En 1674, il reçoit les seigneuries de Berthier-en-Haut et Berthier-en-Bas (Bellechasse et Villemur) et, grâce à sa belle-famille, il est dès lors considéré comme un notable.

Deux autres Bergeracois, Jacques Joyal et Pierre Martin, ont laissé une nombreuse descendance au Canada. Le premier, né vers 1642, devint arquebusier et résidait à Sorel avec sa femme et ses huit enfants. Le second, Pierre Martin, dit Ladouceur, né vers 1666, était soldat. Il se maria à Montréal. On ne lui connaît pas moins de seize enfants.

Mais Bergerac a encore un lien avec l’Amérique : capitale française du tabac, que l’on cultive tout autour de la ville depuis le xviiième siècle, elle abrite un Musée d’anthropologie du Tabac. Installé dans la « Maison Peyrarède », le musée expose de façon très vivante l’histoire du tabac depuis son origine.

Le jumelage de Bergerac avec la ville de Repentigny, au Québec (depuis 1997) est source de fréquents échanges de jeunes pendant les grandes vacances scolaires et universitaires et de manifestations culturelles et artistiques au cours de l'année. La Dordogne, qui coule à Bergerac, et la rivière Jacques Cartier au Québec sont aussi jumelées. Une plaque posée sur le barrage de Bergerac rappelle ce jumelage.

DORDOGNE
Bourdeilles

 Un pont gothique sur les eaux vertes de la Dronne, un moulin coiffé de tuiles rondes, un village escarpé que surmontent deux châteaux : voici Bourdeilles !

le château Renaissance

le château Renaissance

Le donjon octogonal (xiiième siècle) de Bourdeilles a été pendant tout le Moyen Âge le siège d’une des quatre grandes baronnies du Périgord, dernier bastion de l’autorité royale dans la région durant la guerre de Cent Ans.

À la Renaissance, les seigneurs de Bourdeilles, las de leur château fort peu confortable et peu gracieux, font construire, à l’intérieur de la même enceinte, un élégant corps de bâtiment dans le goût du jour. On peut aujourd’hui visiter les magnifiques collections de meubles, d’armes et de tapisseries du xvième siècle et la chambre dorée qui a conservé ses lambris peints et ses plafonds à la française du xviième siècle. Il faut dire que le plus célèbre seigneur des lieux ne fut autre que Pierre de Bourdeilles (1535-1614), seigneur et abbé de Brantôme, le fameux auteur des Dames galantes.

Deux colons ont quitté ce village des bords de la Dronne pour se fixer au Canada. Jean Peissard, laboureur engagé en 1642, et Jean Dubreuil, né vers 1711, ont tous deux été baptisés dans l’église paroissiale, à présent entièrement restaurée, dont la voûte à file de coupoles est caractéristique du style roman périgourdin.

DORDOGNE
Brantôme

L’étroite vallée encaissée de la Dronne conduit à Brantôme. Les rochers escarpés qui gardent les souvenirs d’un habitat troglodyte donnent au paysage son aspect sauvage.

Voici Brantôme ! Les méandres de la rivière enserrent la vieille cité, en majeure partie construite sur une île. Restes oubliés d’un passé fastueux, le palais abbatial et l’église se mirent dans les eaux de la rivière.

Un futur Canadien, François Lecomte dit Bellegarde, a connu ce paysage à la Watteau et traversé la Dronne sur ces vieux ponts de pierre aux arches moussues. Il est né en 1707 et a été baptisé sur les fonts baptismaux de l’église paroissiale Saint-Pierre et Saint-Sicaire. Soldat dans la compagnie de Senneville, il s’est marié deux fois (d’abord en 1733 avec Marie-Josèphe Bluteau, ensuite avec Marguerite Laporte) à Montréal et a eu trois enfants.

DORDOGNE
Grand-Brassac

Le village semble s’être endormi. Les rues s’ouvrent sur des jardins calmes où quelques fauteuils délaissés invitent à d’éternelles grandes vacances … Mais ces images douces et sereines ne sont qu’un aspect de Grand-Brassac. L’église fortifiée nous replonge bientôt dans les fracas et l’insécurité du Moyen Âge. A cette époque Français et Anglais se disputaient inlassablement l’Aquitaine, en particulier dans ses régions frontalières comme la Dordogne. Menacés par de perpétuels périls ( pillages et règlements de comptes), les villageois de toute cette région, lorsqu’ils n’étaient pas défendus par un château fort, fortifiaient leurs églises pour pouvoir s’y réfugier. Il faut se souvenir que les maisons villageoises étaient construites en torchis ou en bois et brûlaient à chaque attaque.

Saint-Pierre et Saint-Paul de Grand-Brassac est un bel exemple de ce style d’églises fortifiées. Au XIIIe siècle, on y a installé tout un système de défense : ouvertures très hautes et très étroites qui ressemblent à des meurtrières, créneaux, galeries de défense, tour de vigie et clocher-donjon.

Grand-Brassac est la patrie de deux colons canadiens : ils ont connu le village à une époque plus calme. Celui-ci avait alors à peu près atteint sa forme actuelle. Les frères Jean et Arnaud Suringaud, nés en 1726 et 1734, et baptisés dans l’église fortifiée, se sont tous deux embarqués à Bordeaux pour Québec, en avril 1752.

DORDOGNE
Issac : Château de Montréal

Il y a en France six petites villes qui répondent au nom de Montréal et l’on s’est souvent demandé si l’une d’entre elles avait pu donner son nom à la grande métropole canadienne, mais il est plutôt permis de penser, avec quelques historiens, que ce serait au château de Montréal que reviendrait ce parrainage flatteur. Lors de son second voyage au Canada en 1535, au moment où il visitait la bourgade amérindienne d’Hochelaga, Jacques Cartier aurait donné à la montagne voisine le nom de mont Réal (mont Royal). Il était accompagné par un gentilhomme périgourdin, Claude de Pontbriant, dit Montréal,  seigneur de Montréal, qui avait été chargé par François Ier d’observer le déroulement de l’expédition.

Ainsi ne serait-il pas très étonnant que Jacques Cartier ait voulu à la fois honorer son compagnon de voyage, qui était le gentilhomme de plus haut rang dans l’expédition et aussi rendre hommage au roi que Claude de Pontbriant représentait au Canada.

Le château de Montréal existe encore aujourd’hui non loin d’Issac, sur une colline dominant la Crempse. Derrière la double enceinte des remparts, entre une tour et l’ancien donjon du xiiième siècle, nous pouvons voir la façade Renaissance à décor de pilastres qui fut commandée par le père de Claude de Pontbriant quelques années avant le départ de son fils pour le Canada.

La chapelle du xvième, située dans l’enceinte extérieure édifiée à la même époque, abrite la Sainte-Epine une relique prise par le frère de Claude sur le corps du général anglais Talbot, tué à la bataille de Castillon en 1453. Claude de Pontbriant ne revit sans doute jamais le Périgord, car épuisé par l’hiver passé au Canada et les séquelles du scorbut, il mourut le 2 novembre 1536, moins de deux mois après son retour du Canada.

Le château de Montréal se visite l’été, ousur rendez-vous.

DORDOGNE
Jumilhac-le-Grand

Nous voici aux frontières du Limousin. Déjà le paysage prend des allures plus escarpées : les vallées se creusent, les collines se hérissent de sapins qui annoncent les confins du Massif Central.

Au sommet d’une de ces collines, Jumilhac-le-Grand, silhouette fantastique couronnée d’une multitude de toits pointus, surveille les gorges de l’Isle.

Du village qui surplombe légèrement le château, nous découvrons une façade médiévale qui doit à la Renaissance ses tourelles et ses toits en poivrière, surmontés d’épis de faîtage. Les ailes du château sont plus récentes. Jean-Baptiste Cousineau, ouvrier maçon, y a peut-être mis la main avant de partir au Canada à la fin du xviième siècle et de se marier en 1690 à Montréal avec Jeanne Bénard.

C’est en tout cas bien sous le beau clocher roman de l’église Saint-Pierre-es-Liens qu’il a été baptisé en 1662. En 1690, nous le retrouvons à Montréal où il a rencontré une jeune personne à son goût. Il se marie donc et a beaucoup d’enfants… Quatorze jeunes Cousineau qui répandent largement au Canada un nom maintenant disparu à Jumilhac.

Près de Jumilhac, au lieu dit « Vaux », les descendants des Cousineau pourront voir la tombe de leurs ancêtres français.

DORDOGNE     
Le château de Fénelon, commune de Sainte-Mondane

La famille de François de Salignac de la Mothe-Fénelon, à peu près ruinée, possédait encore ce château dont la construction remontait au xvème, mais qui avait été restauré à la fin du xvième siècle. L’édifice, solidement assis sur un rocher, surplombe de 130 mètres la vallée de la Dordogne. Protégé par une double enceinte de remparts, le château comprend un corps de bâtiment ponctué de tours circulaires et prolongé par des ailes en retour d’équerre. Une petite cour intérieure avec une galerie de style classique permet d’accéder aux différentes parties du logis. À l’intérieur, outre la chambre de Fénelon, l’illustre frère de notre missionnaire, ne manquez pas la visite des salons qui abritent un magnifique mobilier Louis XIII et Louis XIV et de fort belles tapisseries de Flandre (xvième siècle).

François de Salignac est né à Aubeterre en 1641, mais il a passé son enfance au château de Fénelon. On ignore tout de son éducation, mais l’on sait que son violent désir de partir catéchiser les Amérindiens du Canada lui valut une dispense du séminaire sulpicien dans lequel il ne resta que quinze mois. Il fut ordonné prêtre à son arrivée à Québec par Mgr de Montmorency-Laval.

Sa première mission au Canada l’envoie à la baie de Kenté. De concert avec l’abbé Claude Trouvé et son cousin François-Saturnin Lascaris d’Urfé, il mène une vie active et courageuse, se dépensant sans compter pour convertir les indigènes.

Après Kenté, Fénelon est nommé dans les îles du lac Saint-Louis où le père François-Saturnin Lascaris d’Urfé va bientôt le rejoindre. La jeunesse enthousiaste des missionnaires, l’ancienneté de leurs familles leur assurent la célébrité auprès des esprits romanesques et la sympathie des personnalités de la colonie.

Bientôt mêlé de trop près aux intrigues qui compliquent continuellement la vie de la colonie, François de Salignac de la Mothe-Fénelon montre qu’il n’a pas acquis chez les Amérindiens les qualités de diplomatie qui manquent à sa nature, toute à l’emporte-pièce.

Le comte de Frontenac est visé par les critiques du jeune abbé qui dénonce en chaire, à Montréal, les abus présumés du gouverneur. Celui-ci n’a alors de cesse de le faire interdire de séjour au Canada.

C’est ainsi que le jeune et courageux missionnaire, au sang trop bouillant, doit, blâmé par tous, abandonner sa mission et rentrer en France en 1674. Il y meurt à l’âge de trente-huit ans, ulcéré et déçu.

Son souvenir a pourtant survécu au Canada, dans la région qu’il a évangélisée, puisque les chutes de la rivière Trent portent son nom : Fénelon Falls.

DORDOGNE
Le château de Salignac, commune de Salignac-Eyvignes

Au-dessus du village de Salignac, le château, construit sur une butte féodale, est entouré d’une double enceinte fortifiée. Ses différentes parties, du xiième et xiiième siècle, en font un ensemble assez composite. Il tient de la forteresse, par son donjon carré, et de la demeure de plaisance, par son corps de logis percé de fenêtres à meneaux et flanqué de deux tours rondes. Ce château appartenait à la famille du grand écrivain Fénelon, dont le demi-frère, François de Salignac de la Mothe-Fénelon, partit comme missionnaire au Canada.

DORDOGNE
Périgueux

Les oies du Périgord

Les oies du Périgord

Périgueux – l’antique Vésone de l’époque romaine – a grandi autour de ses deux centres qui rappellent la division ancienne des deux villes rivales du Moyen Âge (la Cité et le Puy Saint-Front) qui se sont finalement regroupées.

Passé les allées de Tourny, un lacis de petites rues pittoresques et étroites entre les hautes maisons de pierre ocre nous entraîne au cœur de la cité médiévale. Les marchés du matin autour de la place Sainte-Catherine et les nombreux commerçants des ruelles avoisinantes perpétuent une tradition bien vivante. La ville de Périgueux se veut capitale du “ bien manger ” : truffes, foie gras, oies, dindes ou pâtés, pour ne citer que les plus célèbres, en constituent les spécialités gastronomiques. L’accent chantant et rocailleux de la langue d’oc égaie rues et boutiques, dont l’animation est à l’apogée aux veilles des grandes fêtes.

Sur les cent colons périgourdins qui sont partis au Canada, plus d’une quinzaine sont issus des trois paroisses de Périgueux : Saint-Front, la cathédrale constituée de la vieille église des viiième et ixème , et de l’église à coupoles du xviiième siècle, restaurée dans un style néo-roman au xixème siècle par l’architecte Paul Abadie, émule de Viollet-le-Duc, surveille encore le vieux Périgueux. Alain Ferre, natif de cette paroisse, part comme sergent au régiment de Berry avant de se marier, en 1760, à Pointe-aux-Trembles. Jean Gueyraud (Gueyrand), né en 1724, fonde son foyer à Québec, en 1759.

Le quartier Saint-Georges, au sud de la vieille ville, est la patrie de François Brunet et Pierre Colombe, qui ont fait carrière de soldat au Canada. Pierre Colombe reste célibataire, tandis que François Brunet (dit Lafaye), se marie à Montréal en 1713 avec Marie-Anne Massard. Pierre Laporte, dit Saint-Georges, né en 1682, est lui aussi originaire de ce quartier. Au Canada, il s’est marié et a passé une existence paisible à Saint-François où ses quatre enfants lui ont laissé une nombreuse descendance sous les noms de Laporte et de Saint-Georges.

Saint-Martin, enfin, dans le faubourg nord-ouest de Périgueux, est la paroisse de Jean Nadal (Nodal), dit Sans-Quartier, qui servit au Canada durant la guerre de Sept Ans avec son ami Jean Gueyraud, de Saint-Front. Deux missionnaires sont également venus de Périgueux : Jean-Baptiste de la Morinie, né en 1704, et Armand de la Richardie, né en 1686. Tous deux sont Jésuites. Le premier catéchise chez les Outaouais de 1738 à 1764, le second dans la région de Détroit de 1728 à 1751.

Pierre Bardet dit Lapierre, qui épouse Françoise Hascuim à Montréal en 1700 vient aussi de Périgueux, mais on ignore de quelle paroisse.

DORDOGNE
Sarrazac

À quelques kilomètres de Thiviers, Sarrazac étire à flanc de coteau ses belles maisons de pierre ferrugineuse. Sur la place se dresse le monument aux morts de la guerre de 14-18 sur lequel se lisent plus de cinquante noms. Parmi les victimes de cette guerre, un Emery, qui a peut-être retrouvé, sur les champs de bataille de la Marne ou de Verdun, des cousins canadiens du même nom.

Deux siècles plus tôt, en effet, en 1678, Antoine Emery (Aimeric), dit Coderre, baptisé dans la minuscule église mi-romane mi-gothique qui surplombe le village, a gagné la Nouvelle-France. Il s’est marié deux fois et s’est installé à Contrecoeur. Ses descendants, fort nombreux, ont ainsi répandu au Canada les noms d’Emery et de Coderre.

Mais il n’est pas le seul. Deux soldats l’avaient déjà précédé au Canada. Ils étaient partis en 1665 dans les troupes du régiment de Carignan-Salières qui s’en allait combattre les Iroquois.

Jean Bellet (Blais), dit Gazaille, était né vers 1640 et faisait partie de la compagnie de Pierre de Saint-Ours. Il se marie vers 1672 à Saint-Ours avec Jeanne Bouveau et s’y installe ensuite avec sa femme sur les terres que lui avait concédées son capitaine.

Jean Gazaille, dit Saint-Germain, était un parent du précédent. Engagé dans la même compagnie, il se maria lui aussi et se fixa à Sorel, puis à Contrecoeur.

Ce nom de Gazaille qu’ils ont emporté au Canada est encore aujourd’hui bien vivant dans la région de Sarrazac.

DORDOGNE
Thiviers

La route de Thiviers à Brantôme nous réserve bien des surprises agréables. La Côle, petit affluent de la Dronne, serpente au pied d’un coteau hérissé de châteaux forts, tels le château de La Chapelle Faucher et le château de Puyguilhem. Mais ne manquez pas Saint-Jean de Côle, délicieux village médiéval dont le château (château de la Marthonie) est une des beautés du Périgord.

Thiviers, départ de cette belle promenade, n’a pas un caractère aussi pittoresque. Pourtant, derrière sa façade maussade, l’église cache une belle structure romane xiième - xiiième siècle, détruite en partie pendant les guerres de Religion et plusieurs fois remaniée, dont il faut remarquer les curieux chapiteaux historiés du transept.

Sur les vieux fonts baptismaux de cette église ont été baptisés les trois jeunes gens de Thiviers qui se sont lancés dans “ la grande aventure canadienne ” (à leur époque, au xviième siècle, l’ancienne coupole de la croisée du transept s’était écroulée et venait d’être remplacée par l’actuelle et gracieuse voûte gothique).

Deux d’entre eux sont soldats dans le régiment de Carignan. L’un, Pierre Barbary, né en 1640, connaît un sort tragique, puisqu’il est tué avec sa famille lors du massacre de Lachine en 1689. Deux de ses enfants ont cependant perpétué son nom au Canada.

Guillien Dubord (Debord), dit Lafontaine, sera plus heureux. Né vers 1625, il est maître taillandier de son métier (forgeron). Après avoir combattu contre les Iroquois, il se marie et installe sa famille à Champlain.

Le troisième colon de Thiviers, Thomas Mortenseigne dit Labonté, né vers 1660, est vigneron. Il ne laissera aucune descendance au Canada.

GIRONDE
Bordeaux (jumelage avec Québec depuis 1962)

Comme toute colonie nouvellement fondée, le Canada dépendait de la métropole pour son ravitaillement en vivres et en produits manufacturés. Comme ces besoins croissaient avec l’importance de la colonie, des ports, qui s’étaient jusque-là consacrés à la pêche, se tournèrent peu à peu, par le biais de la traite des fourrures, vers le commerce avec le Canada. À partir de 1740, Bordeaux prit sous sa tutelle les relations commerciales du sud-ouest de la France avec le Canada que La Rochelle avait dominées jusque-là. Cet essor commercial du xviiième siècle, qui marqua les relations de Bordeaux et du Canada, est en fait le reflet de l’extraordinaire expansion d’une ville enrichie par le trafic des denrées coloniales en provenance des îles (sucre, cacao, bois, fourrures, etc.), mais surtout par le commerce triangulaire (qui faisait des esclaves noirs des côtes d’Afrique une monnaie d’échange contre le sucre).

C’est donc au niveau commercial que se jouent les principales relations entre Bordeaux et le Canada, bien que Bordeaux ait été également un grand port d’embarquement. Plus de six cents contrats d’engagement ont déjà été étudiés.

François Bigot, natif de Bordeaux et intendant de la Nouvelle-France de 1747 à 1760, n’est peut-être pas étranger à ce phénomène puisque, en fondant en 1748 la Société du Canada avec le riche commerçant bordelais Abraham Gradis, il donnait à la société bordelaise le monopole de l’approvisionnement canadien. Pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763), cette société, alors appelée “ la Grande Société ”, monopolisa les transports et se chargea de satisfaire la demande de l’armée. D’abusive, elle prit alors un caractère nettement frauduleux. La raréfaction des produits fut organisée systématiquement pour faire augmenter les prix. La société  fit payer au roi des denrées qu’elle ne livra jamais, ou lui revendit des marchandises qu’il avait déjà payées.

Avec la fin de la guerre, arriva l’heure des comptes. Le roi, trop heureux de faire porter le poids de la défaite à quelqu’un, s’indigna devant les abus qu’une enquête mettait en évidence. Bigot fut poursuivi et emprisonné à la Bastille avec ses associés, tandis qu‘éclatait l’un des plus grands scandales de l’ancien régime, “ l’Affaire du Canada ”.

Nicolas Beaujon (1718-1786) eut lui aussi des relations commerciales suivies avec le Canada. Il laisse cependant un souvenir moins douteux. Qualifié de “ mécène bordelais ”, il s’intéressait plus aux arts qu’à la fraude et pût ainsi apporter son soutien à de grands artistes. Houdon et Van Loo exécutèrent l’un son buste, l’autre son portrait. Il fut également propriétaire du palais de l’Élysée à Paris).

C’est encore de Bordeaux que, le 10 avril 1760, partit la frégate Le Machault à la tête d’une flotte de six navires, sous les ordres du fameux corsaire La Giraudais qui entretenait l’espoir de secourir les Français repliés à Montréal depuis le siège de Québec. Les navires avaient été construits à Bayonne ; les quatre cents soldats du bord venaient des troupes de la Marine de Rochefort. Marchandises et munitions furent embarquées à Bordeaux. Durant le trajet, deux des navires furent capturés par les Anglais, un troisième coula. Les rescapés poursuivirent leur route jusqu’à l’entrée du Saint-Laurent pour y apprendre qu’une flotte anglaise les avait précédés à Québec. Le Machault se réfugia dans la baie des Chaleurs. Il se trouva alors face à cinq vaisseaux anglais. Le combat était sans issue. Après quelques heures de résistance, les Français sabordèrent leurs navires. La fouille systématique de ces épaves par les archéologues de la direction générale des lieux historiques et nationaux du canada a permis de retrouver plus de cent tonnes d’objets divers, ainsi que le corps même de la frégate qui sont exposés au lieu historique national du Canada de la Bataille-de-Ristigouche (Parcs Canada).

La richesse des armateurs et des commerçants de Bordeaux rejaillit tout naturellement sur l’architecture de la ville, chacun ayant à cœur, comme Beaujon, de montrer sa puissance en faisant travailler les meilleurs artistes du temps. Bordeaux est ainsi une des villes de France qui a reçu le plus profondément l’empreinte du xviiième siècle. Grâce à l’influence d’intendants comme Boucher et Tourny, la ville s’est développée suivant des plans d’ensemble grandioses réalisés par les meilleurs architectes de l’époque : Gabriel père et fils (Jacques et Jacques-Ange), Richard-François Bonfin, puis Victor Louis et la brillante école qui se développa autour de lui. On leur doit la ligne des quais composée de maisons uniformes, l’hémicycle de la porte de Bourgogne, la place de la Comédie et son chef-d’œuvre, le Grand Théâtre, qui sont de Victor Louis, ainsi qu’un certain nombre de maisons le long des allées de Tourny et de la place de Richelieu ; quant à la place de Tourny, elle doit son Hôtel de la Marine à Bonfin. En dehors de ces places et de ces cours à programme, Bordeaux regorge de beaux hôtels que l’on découvrira en flânant le long des rues et qui témoignent de la prospérité des marchands bordelais.

Le théâtre du 18e siècle

Le théâtre du 18e siècle

Le Musée de la Marine réunit de nombreuses maquettes de navires du xviiième siècle. La Bibliothèque municipale abrite les œuvres de Champlain, Lescarbot, Lahontan, Lafitau … Les Archives départementales conservent de nombreux documents sur les relations entre Bordeaux et le Canada (contrats, armement de bateaux, engagement, etc.), ainsi que les Relations du père jésuite Claude Chauchetière, natif de Guyenne.

Bon nombre de bordelais ont émigré au Canada. Parmi eux, on peut citer Bertrand Arnaud originaire de la paroisse de Saint-Michel, qui se marie une première fois à Québec en 1685, puis s’y remarie en 1688, avant de convoler une troisième fois en 1690 à Montréal. Jean Brousse, qui épouse Louise Lallemand en 1705 à Québec et François Chevret, marié en 1739 à Québec avec Elisabeth Roy, sont également originaires de la paroisse saint-Michel.

On peut également citer Sébastien Brisson dit Laroche, qui, lui, est né dans la paroisse Saint-Surin et se marie à Montréal en 1709 avec Catherine Peillatte ; Martial Charron, qui épouse Marie–Catherine Cavellier à Montréal en 1726 et vient de la paroisse saint-Pierre ; Jean-Baptiste-Pierre Delisle, qui est né dans la paroisse Saint-Rémy et est uni à Marie-Josèphe Bonet en 1760 à Saint-Vallier ainsi que Jacques Bussière dit Laverdure, né dans la paroisse Saint-Salebert qui épouse Noëlle Gossard à Sainte-Famille en 1671.

GIRONDE
Cadillac

Déception pour les admirateurs de l’explorateur, Antoine Laumet dit de Lamothe Cadillac n’est pas né dans le château dont il porte le nom !

Le château de Cadillac fut édifié pour le duc d’Épernon, à partir de 1599, par l’architecte Pierre Biard et les entrepreneurs Pierre Souffron et Gilles de La Touche. Henri IV avait, dit-on, conseillé au duc de se faire construire un château afin de le détourner momentanément de ses tumultueuses activités politiques.

Le château connut dès lors des heures très brillantes : des rois (Louis XIII et Louis XIV entre autres) et des reines y furent reçus lors de fêtes grandioses. On retrouve quelques vestiges de ce luxe dans les plafonds peints des salons et dans les étonnantes cheminées de marbre polychrome.

Le jeune Antoine Laumet, lorsqu’il voulut se trouver un nom à la hauteur de se ambitions, choisit celui de cette belle demeure qui impressionnait tout le sud-ouest de la France par son luxe et sa richesse. Et c’est ainsi qu’à Détroit, quand la firme General Motors décida de trouver un nom fastueux à ses nouvelles voitures de luxe, elle songea au fondateur de la ville et par là même donna à ses automobiles le nom d’un magnifique château Renaissance de Gironde.

GIRONDE
La Brède

le château de Montesquieu

le château de Montesquieu

Le château de La Brède a été construit en 1419 à partir d’une forteresse du XIe siècle. Les trois ponts-levis, le donjon, les tourelles, les échauguettes et les tours rondes du bâtiment principal donnent au château son caractère médiéval.

Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, le célèbre philosophe et homme de lettres, y naquit en 1689. Le parc à l’anglaise qui entoure le château fut réalisé par ses soins. Mais c’est surtout dans la magnifique bibliothèque du château, qui abritait plus de 7 000 volumes réunis par Montesquieu lui-même (ils ont été transférés à la bibliothèque de Bordeaux), qu’on évoquera l’auteur de l’Esprit des lois, ainsi que se relations épistolaires suivies avec son ami, l’intendant canadien Michel Bégon.

Le château de La Brède, peut se visiter le week-end (pendant l’année) et tous les jours au cours de l’été.

PUY-DE-DÔME
Clermont-Ferrand

Une douzaine de colons a quitté Clermont-Ferrand pour le Canada à la fin du xviième siècle et au xviiième siècle. Ils étaient tous originaires de la vieille ville que l’on appelle aussi “ ville noire ”, ses maisons et ses monuments étant bâtis en pierre volcanique très sombre.

Trois d’entre eux sont nés dans la paroisse Saint-Pierre, située à l’extrémité ouest de la vieille ville. C’est l’ancien “ ventre ” de Clermont, un quartier pittoresque avec son marché et sa rue de la Boucherie. Antoine Vedet, cloutier de son métier, et sa femme Françoise Bugon s’engagent pour Montréal en 1644,Joseph Bernard dit Dièze, enterre sa vie de garçon à Québec en 1759. Ils ont été tous trois été baptisés à l’église Saint-Pierre.

Les autres quartiers de la ville et des faubourgs ont envoyé au Canada : François de Champflour, qui sera commandant au Fort-Richelieu puis gouverneur de Trois-Rivières de 1642 à 1645, Jean Davoust, qui se noie au Canada en 1659, René Moreau, qui s’engage pour Ville-Marie en 1659, Jean Nioche, qui part pour l’île Saint-Jean, en Acadie, en 1722et Antoine Gilbert, qui trouve l’âme sœur à Trois-Rivières en 1754.

Montferrand, d’abord ville voisine et rivale de Clermont, a été rattachée à Clermont en 1630. Un futur colon canadien, Jean Germain, y est né en 1739. Il a été baptisé à Notre-Dame de la Prospérité, belle église des xivème - xvième siècle au portail flamboyant.

Un autre futur colon, Joseph Lemercier, est né à Clermont-Ferrand (mais on ignore dans quelle paroisse). Il se marie à Québec en 1752 avec Marie-Louise Protos.

Aux Martres-de-Veyre, près de Clermont-Ferrand, une stèle rappelle le souvenir de Pierre le Canadien. Peter Dmytruck, dit Pierre le Canadien, est né à Radisson (Saskatchewan) en 1920. En 1941, il s’engage comme sergent au 405ème Escadron de bombardiers et gagne l’Angleterre en 1942. De retour d’un raid sur Stuttgart, son avion est descendu par les Allemands. Après des jours d’errance à travers la France occupée, Pierre est recueilli par le maquis d’Auvergne, avec lequel il participe à de nombreuses opérations de sabotage. C’est au retour d’une de ces opérations qu’il est abattu par des soldats allemands le 9 décembre 1943, près de la gare des Martres-de-Veyre.

PUY-DE-DÔME
Riom

Capitale des ducs d’Auvergne jusqu’au xvième siècle, Riom a été depuis supplantée par Clermont-Ferrand. Elle conserve pourtant une agréable vieille ville, pleine de monuments et de maisons du xvème siècle.

C’est du quartier Saint-Amable, au cœur de la vieille cité, que sont partis trois des quatre colons de Riom. Tous les trois ont été baptisés dans la basilique Saint-Amable dont la nef seule est romane (xiiième siècle).

Le boulanger Jean Cellier s’engage auprès de Jeanne Mance le 8 juin 1659. Il part pour Montréal, avec les trois premières religieuses de l’Hôtel-Dieu de Ville-Marie. Il sera par la suite soldat de la milice de la Sainte-Famille.

Étienne Blanchon dit Larose part en 1665 comme soldat du régiment de Carignan-Salières. Il se marie d’abord en 1666 avec une veuve de soixante ans, puis avec une autre de trente-cinq ans qui lui donne cinq enfants. Il exerce son métier de tailleur pendant quelques années, mais probablement découragé par des faillites successives, il rentre en France, abandonnant femme et enfants.

Michel Gannat, dont le père était procureur du roi, enterre sa vie de garçon à Sainte-Anne-de-la Pocatière en 1743.

On ne connaît pas la paroisse d’origine de Jean-Baptiste Colonges. Fils du contrôleur général des finances de Riom, il se marie en 1749 à Montréal avec Marguerite Moyson. Il est garde-magasin aux armées du Canada et particulièrement au fort Saint-Frédéric de 1749 à 1752.

Au Musée Régional d’Auvergne, une collection de costumes, de meubles et d’outils ruraux ou artisanaux reflète la vie de la province telle que l’ont vécue ces colons qui ont quitté Riom aux xviième et xviiième siècles.

Situé non loin de Riom, Châtelguyon entretient des liens étroits avec le Canada. Durant la première guerre mondiale, Châtelguyon a accueilli un hôpital militaire où de nombreux soldats canadiens ont été soignés. Certains y sont morts, et ont été enterrés dans le cimetière de Châtelguyon.

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Arette

L’abbaye laïque d’Arette a été construite en plusieurs étapes du XIVème au XVIIème siècle selon un plan très classique : c’est une grande bâtisse assez majestueuse, flanquée de deux pavillons rectangulaires qui ressemblent à des tourelles. Endommagée il y a quelques années au cours d’un tremblement de terre, elle est actuellement en restauration. Jean-Vincent d’Abbadie, baron de Saint-Castin, demeuré légendaire en Acadie et qui a donné son nom à la petite ville américaine de Castine, est né dans cette demeure en 1653. Sa mère, emportée par la peste la même année, le laisse orphelin à l’âge de trois mois, tandis que son père meurt quelques années plus tard.

Ayant sans doute rapidement appris à se prendre en charge lui-même, nous le retrouvons, à l’âge de treize ans, enseigne dans la compagnie Jacques de Chambly du régiment de Carignan-Salières. En 1670, après avoir combattu les Iroquois, il accompagne le nouveau gouverneur d’Acadie, Hector d’Andigné de Grandfontaine, à la baie de Pentagouet (Penobscot)  pour reprendre le fort qui a été enlevé aux Anglais. Chargé de plusieurs missions sur place, Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin, âgé de dix-huit ans, apprend alors à connaître parfaitement le pays et lesAmérindiens Abénaquis.

En 1673, fait prisonnier par des pirates hollandais alliés aux Bostoniens, il réussit à s’échapper et se rend à Québec, où il fait valoir au gouverneur Louis de Buade de Frontenac la nécessité d’un poste de surveillance entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. Ce rôle pourrait être tenu, à son avis, par les Abénaquis de l’endroit qui éviteraient des contacts trop étroits entre les deux puissances et filtreraient le passage. Cependant, il fallait assurer une liaison entre ces tribus amérindiennes, même favorables au régime français, et l’administration canadienne : Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin, grâce à sa connaissance du pays et des indigènes, se proposait de remplir ce rôle d’intermédiaire. Louis de Buade de Frontenac donna immédiatement son accord à ce projet qui allait tout à fait dans le sens de sa politique personnelle.

Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin regagna donc les tribus Abénaquis dont il allait désormais épouser la cause et les intérêts. Il prit pour femme la fille du chef des Pentagouet dont il devint bientôt le conseiller. Il se tailla ainsi une position bien à part vis-à-vis du Canada et de l’Acadie qui, pour se ménager l’alliance des Abénaquis, laissèrent à Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin et à ses compatriotes une autonomie et une indépendance quasi totale, en particulier sur le plan commercial.

Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin, en contrepartie, respecta toujours scrupuleusement ses engagements. C’est ainsi qu’il fit jouer aux Abénaquis une politique d’embuscade et de guérilla extrêmement savante, maintenant perpétuellement les Anglais en échec à la frontière acadienne. La stratégie et l’armement des Abénaquis finirent par étonner les Bostoniens et les New-Yorkais qui, ayant appris la présence d’un officier français chez les Amérindiens, lui firent des avances et des propositions d’argent que Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin refusa toujours.

En 1687, il participe avec ses troupes à l’expédition de Brisay de Denonville contre les Iroquois. Quand éclata la guerre de la ligue d’Augsbourg (1689), les Abénaquis, sous ses ordres, multiplient des coups de main d’une audace surprenante jusque dans les grandes villes ennemies. C’est encore lui qui, en 1690, renseigné par ses espions en Nouvelle-Angleterre, peut faire prévenir Louis de Buade de Frontenac des préparatifs de William Phips contre Québec. Enfin, en 1696, il apporte son aide à Le Moyne d’Iberville chargé de prendre et de détruire le fort Permaquid qui constituait une menace constante pour l’Acadie.

Cependant, la paix revenue, Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin, entendant conserver sa liberté d’action, reprend son commerce avec les colonies anglaises. Les accusations se multiplient donc contre lui. Il décide alors de se rendre à Versailles pour exposer son cas et expliquer son comportement ; ce qui lui fut aisé, car sa réputation était assurée à la cour où l’on désirait avant tout le voir poursuivre un rôle aussi efficace à la frontière acadienne. Il venait également régler ses problèmes de succession en Béarn.

Arrivé en 1702 à Pau, où son beau-frère entendait le spolier de ses droits et multipliait chicanes et procédures, malgré l’intervention du roi, il devait mourir en 1707 sans avoir revu l’Acadie qui, six ans plus tard, tombait définitivement aux mains des Anglais.

A Arette, l’association Béarn-Acadie-Nouvelle-France est très active. Dans le cadre de cette association, une délégation d’Abénaquis, tribu de la femme du baron de Saint-Castin est récemment venue en « pèlerinage » à Arette.

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Bayonne

Les premiers écrits concernant la pêche à Terre-Neuve apparaissent à Bayonne en 1512. Bien que Bordeaux et La Rochelle aient armé des navires en partance pour Terre-Neuve dans les années qui suivent, c’est Bayonne et Saint-Jean-de-Luz qui font de la pêche leur spécialité et cette activité atteint pour le sud-ouest de la France son apogée vers le milieu du xviième siècle. Les lieux fréquentés par les morutiers et les baleiniers basques et bayonnais couvrent une zone qui va de l’île du Cap-Breton au détroit de Davis. Ces pêcheurs pratiquent surtout la pêche sédentaire, qui consiste à saler et à sécher la morue à terre, alors que les pêcheurs du nord de la France (Fécamp, Saint-Malo) pratiquent la pêche verte, la morue étant salée à bord du navire. Ce dernier procédé permet de pêcher plus rapidement, mais le poisson vert se vend moins cher et se conserve moins bien que le poisson séché à terre. Quant à la fonte des huiles de baleine, elle se fait soit à bord du navire, soit à terre. De nombreux documents concernant l’armement des navires, la pêche et les contrats sont conservés aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques à Pau. Le Traité Général des Pêches, de Duhamel du Monceau (agronome et ami de Buffon), publié à Paris en 1772 et conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris, au cabinet des Estampes, donne de précieuses indications illustrées de nombreuses planches sur les techniques de la salaison à terre et en mer.

Grand port de pêche, Bayonne est également port de commerce et d’armement de navires. Sa chambre de commerce sera l’une de celles qui, avec La Rochelle, protesteront contre la cession du Canada en 1763. C’est aussi un port de départ : plus d’une centaine d’engagements passés à Bayonne ont été relevésparmi lesquels plusieurs souscrits par des fils du pays: au xviième siècle: Pierre Bénac, Jacques de Lalande de Gayon (qui épouse Marie Couillard à Québec en 1675) et Pierre Dupont (qui se marie à Québec en 1696). Au xviiième siècle:Jean-Marie Duguay, François Foucault, qui épouse Catherine Sabourin à Québec en 1718, Charles Beaulieu, qui épouse Marie Augé en 1726 à Montréal, et Joseph Duplessis, qui convole avec Louise Lessard en 1726 à Ancienne-Lorette.

Le Musée Basque (à côté du pont Marengo, sur la Nive) est l’un des plus beaux musées d’ethnographie régionale française. On y trouve des représentations intéressantes de l’art et de l’artisanat traditionnel, de nombreux documents sur Bayonne, ses costumes, ses métiers, et naturellement les navires et les pêcheurs d’une cité qui fut en relation constante avec le Canada. Bayonne est, par ailleurs, une ville charmante. Partagée par l’Adour et la Nive, elle a un caractère maritime et méridional qu’accentuent ses hautes maisons jaunes, ses rues à arcades et ses vastes places ornées de fontaines et de platanes.

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Orthez

Daniel d’Auger de Subercase est né à Orthez, le 12 février 1661. Le nom originel de sa famille était Dauger, mais il avait été transformé en d’Auger par son grand-père qui avait également acquis l’abbaye laïque de Subercase près d’Asson (vingt kilomètres de Pau).

Daniel est baptisé dans le temple protestant (aujourd’hui détruit) d’Orthez. Il entre à 25 ans dans la Marine, après avoir été nommé capitaine au régiment de Bretagne où il servait depuis une dizaine d’années. Il recrute alors une cinquantaine d’hommes et en obtient le commandement pour partir au Canada. Là, il participe à plusieurs expéditions contre les Amérindiens et propose notamment de poursuivre les Iroquois après le massacre de Lachine en 1689. Remarqué pour ses qualités d’homme de guerre, il est nommé gouverneur de Plaisance en 1702. Sous son commandement, Plaisance va subir de constantes attaques anglaises et le but de Daniel d’Auger de Subercase sera de permettre à sa petite colonie d’assurer, autant que possible, sa défense et sa subsistance. Grâce à son énergie, Plaisance retrouve peu à peu sa cohésion et réussit à résister aux attaques anglaises. Elle peut même lancer une expédition punitive pour reprendre Saint-Jean aux Anglais. Daniel d’Auger de Subercase reçoit alors – signe de promotion – le gouvernement de l’Acadie. Là encore, le travail n’est pas facile : Port-Royal est en partie ruiné, la mésentente règne entre les habitants, et la menace anglaise pèse constamment. Avec son compatriote béarnais Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin, qui commande les troupes alliées des Abénaquis, Daniel d’Auger de Subercase organise tout un système de défense. Les deux chefs résistent ainsi, tant bien que mal, à plusieurs escarmouches, malgré le petit nombre de leurs soldats et l’absence de crédits français. Mais, en 1710, la flotte anglaise entreprend le siège de Port-Royal : c’en est trop. Les alliés se mutinent, la population, affolée et épuisée, demande merci. Daniel d’Auger de Subercase est alors contraint de se rendre, contre son gré. Accusé injustement de négligence par le gouverneur Rigaud de Vaudreuil, il rentre en France, ulcéré de voir que son pays s’intéresse trop tard au sort de l’Acadie, alors qu’il n’a rien fait pour en éviter la perte.

Il faut flâner dans la ville de celui qui fut peut-être le meilleur et le plus dynamique des gouverneurs de l’Acadie. Les rues de l’Horloge, Bourg-Vieux et Moncade sont bordées de maisons des xvème et xviième siècles. Le Pont-Vieux – prouesse des constructeurs des xiiième et xivème siècles – surplombe les eaux tourmentées du Gave. Dressée à mi-parcours, une tour de défense surveille encore le passage.

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Pau

Pau est la ville natale du roi Henri IV qui joua un si grand rôle dans la reprise de la colonisation du Canada au début du xviième siècle.

Henri est né le 13 décembre 1553 au château de Pau que sa grand-mère, Marguerite d’Angoulême, sœur du roi François Ier, avait transformé en somptueux palais Renaissance. Elle avait fait de la forteresse médiévale une demeure accueillante, en perçant des baies plus larges et en ajoutant toute une ornementation de frises, d’arabesques et de médaillons à l’antique, dans le goût du xvième siècle. Les transformations du xixème siècle n’ont pu complètement altérer cet ensemble.

Dès son avènement en 1589, Henri IV entreprend la reconstruction de son pays déchiré par les guerres de Religion. Il signe l’édit de Nantes qui permet la liberté de culte aux protestants et, bien qu’il ait été lui-même obligé d’abjurer la doctrine réformée pour monter sur le trône de France, s’emploie à assurer de sa protection ses anciens coreligionnaires. C’est pourquoi il s’intéresse au Canada auquel les rois n’avaient plus guère songé depuis l’époque de Jacques Cartier. Il envisage alors d’y installer une colonie protestante qui pourrait constituer un asile en cas de persécutions. Sully, ministre d’Henri IV, se penche sur la question et encourage les différents voyages d’exploration et de commerce entrepris par des calvinistes à qui est systématiquement cédé le monopole de la traite des fourrures canadiennes. Ainsi, Pierre Chauvin de Tonnetuit, Aymar de Chaste, Pierre Du Gua de Monts se succèdent au Canada.

Mais, jusqu’à l’intervention de Samuel de Champlain, le mercantilisme aura le pas sur la colonisation et la mort prématurée du roi va changer définitivement l’orientation de la colonie. L’intervention des Jésuites, qui dénoncent l’exploitation du Canada par les calvinistes, met le feu aux poudres. Un nouveau monopole, la Compagnie des Cent-Associés, est créé par Richelieu. La compagnie s’engage à poursuivre d’une façon désintéressée le peuplement du Canada. Le pays est désormais fermé aux calvinistes.

La ville de Pau a gardé précieusement le souvenir “ du bon roi ”. Il est présent au château, dans les salles du musée qu’il abrite. De la terrasse, on a toujours cette vue merveilleuse sur les Pyrénées que le roi prisait tant.

Jean Ducas, dit Labrèche est né à Pau. On le retrouve à Beauport en 1708, année de son mariage avec Charlotte Vandendaique. Le couple a six enfants.

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Saint-Jean-de-Luz

Les pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz sont les premiers à avoir, dès le début du xvième siècle, traversé l’Atlantique pour pêcher la morue sur les bancs de Terre-Neuve. Bien avant les premiers explorateurs, ils se transmettent oralement les renseignements nécessaires à cette navigation.

Les pêcheurs des autres ports de l’Atlantique les suivent bientôt sur cette voie ; et c’est certainement en compagnie de terre-neuvas de Saint-Malo et de Saint-Jean-de-Luz que Jacques Cartier a d’abord approché les côtes canadiennes avant d’être officiellement envoyé par le roi François Ier en 1534.

À Saint-Jean-de-Luz, pendant des siècles, la vie s’est organisée autour de cette pêche d’outre-Atlantique qui tient les terre-neuvas absents une moitié de l’année.

Pêche, armements et chantiers navals constituaient, jusqu’en 1713, les principales activités de la ville. Le traité d’Utrecht de 1713, en cédant Terre-Neuve à l’Angleterre, porte un coup dur à la ville. Mais, comme à Bayonne, c’est en qualité de corsaires que les Luziens reprennent la mer. Leur parfaite connaissance des côtes françaises et canadiennes en fait des adversaires insaisissables et redoutés.

Devenu aujourd’hui l’un des premiers ports français pour le thon et l’anchois, Saint-Jean-de-Luz a gardé beaucoup de souvenirs de son passé de terre-neuvas.

Il faut voir la“ Maison Louis XIV ” construite par l’armateur Lohobiague qui s’est enrichi en armant des vaisseaux pour Terre-Neuve. Edifiée en 1643, elle est décorée de deux tourelles à encorbellement. Intérieurement, c’est une vieille maison basque typique dont les escaliers furent construits par des charpentiers de marine. C’est dans cette maison que Louis XIV fut reçu avant son mariage avec l’infante Marie-Thérèse d’Espagne. Cette dernière logeait en compagnie de la reine mère dans la maison du concurrent de Lohobiague : Haraneder. Sa maison, appelée aujourd’hui “ Maison de l’Infante ”, se visite, comme la “ Maison Louis XIV ”, durant l’été.

À quelques pas de là, le vieux port conserve tout son caractère d’autrefois. Le quartier de la Barre, construit le long d’une bande de terre isolant la rade du port, était au xviième siècle le quartier des armateurs. Il a été anéanti lors d’un raz-de-marée en 1749, mais quelques fort belles maisons subsistent encore.

Saint-Jean-de-Luz est la ville natale de Jean-Baptiste Parent, qui épouse à Québec en 1732 Marie-Jeanne Frapier.

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Saint-Jean le Vieux, château d’Irumberry

À quelques kilomètres de Saint-Jean-Pied-de-Port, délicieux village chargé d’histoire où l’on découvre le pays basque traditionnel, le manoir d’Irumberry est le berceau d’une grande famille canadienne, la famille de Sallaberry.

Avec pour fonds les Pyrénées, c’est une grosse maison carrée au toit de tuiles roses presque plat, que flanquent deux tours d’angle.

La famille d’Irumberry y vivait au xviiième siècle ; c’est à cette époque que Michel de Sallaberry (qui appartient à une branche de la famille d’Irumberry), propriétaire d’un vaisseau à La Rochelle, s’offre pour porter un message au gouverneur du Canada, Charles de la Boische de Beauharnais, alors isolé au Canada par la flotte anglaise (1745). Sa mission de corsaire-agent-secret accomplie avec brio, d’autres encore plus délicates lui sont confiées. Il se taille bientôt une réputation d’audace et de courage et son mariage avec la fille d’Ignace Juchereau Duchesnay fait désormais de lui un canadien à part entière. Son fils, Ignace-Michel-Louis-Antoine d’Irumberry de Sallaberry, devient député. En 1809, il défend les intérêts français au Canada et dans un discours célèbre s’oppose à la réunion du Haut et du Bas-Canada. Mais c’est son petit-fils, Charles-Michel d’Irumberry de Sallaberry, qui va apporter la célébrité au nom de Sallaberry. Ancien officier de l’armée des Indes, Charles-Michel est taillé en athlète, comme son grand-père et, comme lui, plein d’audace. Il va montrer toutes ses capacités à la bataille de Châteauguay. En 1813, les Américains traversent la frontière pour envahir le Canada et marchent sur Montréal. Charles-Michel, en bon petit-fils de corsaire, leur tend alors une embuscade sur la rive gauche de la rivière Châteauguay. Le 26 octobre, avec trois cents voltigeurs et cent cinquante Amérindiens, il réussit à faire reculer l’armée américaine qui croit avoir affaire au gros des troupes et bat en retraite. Charles-Michel est acclamé comme le sauveur de la patrie ; il est porté en triomphe à Québec et à Montréal : c’est le héros du jour !

Une rue de Montréal, une place de Québec et une ville près de Montréal (Sallaberry-de-Valleyfield) prennent son nom ; de nombreuses statues sont érigées en son honneur.

Quant à lui, ulcéré par la réaction de l’armée qui attribue tout le mérite de l’entreprise à son supérieur hiérarchique, il se retire dans sa seigneurie de Chambly où il passe la fin de sa vie.

En France, une branche de la famille a toujours conservé le château d’Irumberry et les liens sont restés très étroits entre la famille française et la famille canadienne.